les problèmes sociaux viennent plus des neurotypiques que des autistes
- autiste Tout simplement
- Jan 2, 2020
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Updated: Jan 13, 2020
Selon de récentes études, les problèmes sociaux viennent plus des neurotypiques que des autistes
Traduit par Matthieu Lancelot Image : Je suis tombé en bas de ma bulle le collectif
L’autisme est considéré, dans les représentations populaires, comme un trouble de la réciprocité sociale et de la communication. Autrefois présenté comme la conséquence d’un déficit autistique de « l’instinct social », l’idée dominante actuelle est que quelque chose est déficient ou absent dans la cognition sociale autiste – souvent qualifié de déficit cognitif de « l’empathie » ou de la « théorie de l’esprit ». Une grande partie de la recherche sur les problématiques sociales liées à l’autisme a mis l’accent sur la clarification et la détection de ce déficit cognitif dans le cerveau et l’esprit des autistes. Cependant, la recherche d’un insaisissable « module de théorie de l’esprit » ou « mécanisme d’empathie » brisé dans le cerveau et ses manifestations cognitives qui s’ensuivent ont conduit à des résultats contradictoires – certains scientifiques ont même conclu que les autistes ressentaient trop d’empathie plutôt que trop peu.
D’autres estiment qu’il ne s’agit pas simplement d’une problématique neurocognitive individuelle, mais plutôt d’un problème social plus large. Contre l’idée que les personnes autistes ont trop ou trop peu de choses, les partisans du mouvement de la neurodiversité autiste ont longtemps soutenu que le problème de l’empathie était en fait un problème à double sens entre les neurotypiques et les autistes, qui ne se pose que lorsque la ligne est franchie. Qualifié de « problème de la double empathie » par Damian Milton, spécialiste de l’autisme, ce cadre met l’accent sur le fait que la communication et les rencontres sociales sont toujours des choses qui se passent entre les personnes – ce qui signifie que toute rupture dans la communication est toujours relationnelle et se fait des deux côtés, et pas seulement un problème inné avec l’un ou l’autre.
Peu de recherches empiriques ont été menées à cet égard (la plupart des fonds sont destinés aux partisans du paradigme pathologique, qui n’ont aucun intérêt à poursuivre un passage de l’autisme au paradigme de la neurodiversité). Cependant, une nouvelle compilation d’études publiée dans la revue Nature a clairement donné du poids à l’idée que les troubles de la socialisation chez les autistes proviennent aussi bien des neurotypiques que des autistes.
Les trois études, qui ont été réalisées à partir d’échantillons différents et de diverses méthodologies, ont toutes révélé au départ que :
Les premières impressions des observateurs sur les personnes avec TSA ayant un comportement social réel se sont révélées nettement moins favorables que sur le groupe de contrôle [c.-à-d. les neurotypiques] apparié (...), ces impressions étant associées à de faibles intentions de participation sociale de la part des observateurs.
En d’autres termes, ils ont constaté qu’un facteur important des problèmes sociaux et de communication ne provenait pas des personnes autistes, mais plutôt des réactions des neurotypiques, fondées (par définition) sur des attitudes sociales d’exclusion et des premières impressions qui ont conduit à diminuer la propension à interagir avec les personnes autistes. Autrement dit, les neurotypiques ont tendance à décider, dans les moments qui suivent leur rencontre avec des personnes autistes, qu’il vaut moins la peine de socialiser avec des personnes autistes que des neurotypiques.
Dans cette perspective, l’une des études a comparé les évaluations entre la communication écrite et l’expression orale en personne. Elle a constaté que les personnes autistes n’étaient pas notées négativement par les neurotypiques lorsque seule leur écriture était évaluée. C’est plutôt l’apparence des personnes autistes, plutôt que la substance de ce qui a été dit, qui a été le facteur clé pour déterminer la tendance des neurotypiques à exclure les personnes autistes. Cela a été confirmé de nouveau, selon les chercheurs, lorsque :
Une image statique suffisait à générer des premières impressions négatives sur les personnes avec TSA [...] En revanche, les premières impressions du groupe de contrôle se sont améliorées grâce à l’ajout d’une information visuelle.
En d’autres termes, la photo d’une personne autiste jointe à son texte avait un effet négatif sur la perception qu’avaient les neurotypiques de la valeur de l’auteur, tandis que la photo d’une personne neurotypique jointe à son texte tendait à avoir un effet positif.
Il n’est donc pas surprenant que les personnes autistes éprouvent des difficultés en matière d’interaction sociale. Comme les auteurs le précisent davantage, leurs conclusions montrent que les problèmes auxquels les personnes autistes font face sont en fait relationnels :
La réticence du groupe de contrôle à avoir des interactions sociales avec leurs pairs avec TSA limite davantage les possibilités qu’ont les personnes avec TSA de mettre en pratique leurs compétences sociales déjà fragiles. Cela peut avoir un impact négatif important sur la capacité des personnes avec TSA socialement conscientes et intéressées à améliorer leurs capacités de communication sociale et s’employer à une meilleure intégration sociale.
Les conséquences pratiques, concluent les chercheurs, sont les suivantes :
Si notre objectif est d’améliorer les interactions sociales des personnes avec TSA, il peut donc être tout aussi important d’éduquer les autres pour qu’ils soient plus conscients et acceptent mieux les différences en termes d’habiletés sociales, plutôt que d’essayer de changer les nombreux facteurs interdépendants de l’image de soi qui caractérisent les expressions atypiques des personnes autistes.
Cela correspond exactement à l’idée que le problème de l’empathie va dans les deux sens plutôt qu’à l’intérieur des personnes autistes, sans parler du fait que cela se produit dans le contexte de normes et d’attitudes capacitistes envahissantes qui cherchent à changer plutôt qu’à accueillir les personnes autistes. C’est pourquoi, comme de nombreuses personnes autistes en témoigneront certainement, ces nouveaux travaux de recherche d’envergure pourraient jouer un rôle crucial pour montrer aux décideurs et au grand public que le problème clé de l’autisme n’est pas l’autisme lui-même. Au contraire, comme le soutiennent depuis longtemps les autistes autodéterminés, il s’agit plutôt d’une société neurotypique et d’un capacitisme si profondément ancré dans cette société. https://intersectionalneurodiversity.wordpress.com/…/new-re…

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