La phobie du téléphone, la peur du téléphone
- autiste Tout simplement
- Jan 11, 2020
- 3 min read
Updated: Jan 13, 2020
"Le propre du téléphone c’est de sonner à l’improviste. " Robert Soulières
Certaines personnes autistes détestent téléphoner.
Qu’est-ce qui nous procure autant de stress et d’angoisse lorsque nous entendons notre téléphone sonner ou lorsque nous devons passer un appel ?
Selon Wikipédia, la peur du téléphone ou la phobie du téléphone est la peur ou l’angoisse de passer ou de prendre des appels téléphoniques.
La peur du téléphone est également considérée comme un type de phobie sociale ou un trouble anxieux.
Parmi les diagnostics, la peur du téléphone est un symptôme commun du trouble du spectre de l'autisme : les individus Asperger ne conçoivent pas les échanges téléphoniques autrement que pour des informations claires et précises. Faire la conversation est un concept non évident pour eux. »
Je vais essayer d’expliquer ce qui provoque chez moi autant d’anxiété. Je suis autiste, mais je ne représente pas l’ensemble des autistes donc cet écrit restera très personnel.
Essayons de ne pas tomber dans le piège de la généralisation : certains n’ont pas de difficultés, certains sont à l’aise par exemple lors d’appels professionnels et très angoissés dès qu’il s’agit d’une conversation personnelle. Nous sommes tous différents même dans la différence.
Téléphoner ou recevoir un appel téléphonique est déjà, selon moi, une intrusion assez irrespectueuse, car on interrompt la personne dans son activité ou l’on est soi-même dérangé.
D'autre part, lorsque mon téléphone vibre, car je m’épargne la mélodie anxiogène, je suis confrontée à des inconnus :
* Qui est la personne qui me téléphone ?
* Quel est le sujet de l’appel ?
* De quelle façon la personne s’exprimera-t-elle : le vocabulaire, la vitesse d’expression par exemple ?
* Quelle sera la durée de l’appel ?
* Est-ce que cet appel aboutira sur d’autres conversations ou des rendez-vous ?
Autant de questions sans réponse provoqueront chez moi de l'angoisse.
La plupart des fois, je regarde mon appareil biper et je reste pétrifiée L’après est pire, car je me questionne d’autant plus.
Mais par contre, si je parviens à trouver le courage de décrocher, ce qui est assez rare, mon premier réflexe sera d’identifier la personne. Je vais essayer d’associer cette personne à un ressenti puis je écouterais la mélodie de sa voix ainsi que les différences d’intonations. Je vais, également, être happée par la musique de sa voix et de ses mots au détriment du contenu.
Dans un deuxième temps, je prendrai donc la conversation en court et il me faudra au plus vite connaitre le sujet et essayer d’imaginer ce qui s’est dit avant. Je vais parfois y parvenir, mais souvent je reste plutôt évasif en essayant de me calquer au mieux à mon interlocuteur.
Par ailleurs, lorsque je m’exprime, je vais souvent dire la même chose d’une façon différente. Cette stratégie me permet de laisser du temps à la réflexion. Lorsqu'une personne s’exprime au téléphone, elle énumère ses idées rapidement sans laisser de blancs, sans me laisser le temps d'enregistrer et de réfléchir, deux actions bien dissociées pour moi. A cause de mon trouble de l’attention, je vais être rapidement « out », c'est-à-dire que je vais finir par décrocher et je vais revenir uniquement au son, à la mélodie de la voix. Je vais essayer à plusieurs reprises de reprendre le fil. Parfois, je réussis, mais à cause de la fatigue accumulée et la vitesse d’expression, je risque de reprendre à plusieurs reprises le fil.
De plus, le « bonjour, comment allez-vous ? » n'est pas naturel chez moi, je dois donc faire l’effort de m’y plier.
Le « comment allez-vous » est très inconfortable, car il génère en plus un questionnement. Cette question n’est pas appréciée par certains autistes. Comment je me sens aujourd’hui, maintenant ? Je vais toujours moyennement bien, c’est donc assez compliqué à expliquer et surtout cela suscite en plus du questionnement supplémentaire et une excellente connaissance de soi.
La fin de conversation sera tout autant fastidieuse et épuisante.
Enfin, je ne sais pas identifier quand la personne a fini ses phrases et d’une façon assez répétitive, je vais lui couper la parole. Etre interrompu à plusieurs reprises va très rapidement irriter mon interlocuteur. Plus la personne est agacée, plus cela déclenchera chez moi stress et angoisse.
Le plus irritant est de recevoir des appels de personnes qui connaissent l’autisme et qui savent pertinemment que je le suis, autiste. Quand je reçois ces appels, j’ai très mal et je suis en colère. Je traduis par : « tu dois faire un effort ». C’est une non-prise en compte de mes souffrances.
Cessez de nous demander de faire des efforts.
Nous, personne autiste, nous devons chaque jour, chaque instant faire des efforts.
A vous, aussi de vous adapter à nous.
Respectez-nous !
« J’ai toujours rêvé d’un ordinateur qui soit aussi facile à utiliser qu’un téléphone. Mon rêve s’est réalisé, je ne sais plus comment utiliser mon téléphone « Bjarne Stroustrup

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