Conversation avec des neurotypiques.
- autiste Tout simplement
- Jan 20, 2020
- 3 min read
Attablée sur une terrasse, autour d’un café, me voilà entourée par des neurotypiques.
Après avoir esquivée au protocole du bonjour et échappée à la bise, je peux m’installer et écouter la conversation, orientée, sans un premier temps, autour de la météo. On commence par « on n’est pas gâté aujourd’hui, sale temps » ou « il fait vraiment trop chaud ou trop froid ». Vivement noël, que l’on puisse parler d’autre chose, malgré que le sujet ne me passionne absolument pas.
Vient ensuite la question classique : « Vous faites quoi dans la vie »

La conversation est à présent lancée. Le tour de table démarre, personne ne passe son tour. Tous enchaînent en énumérant leurs études, voir même les écoles fréquentées, l’objectif est de passer quelques minutes sur leurs parcours scolaire pour aboutir sur leur.s diplômes, instant de gral en apparence. Avec une joie visible certains s’éternisent. Ils parlent assez fort et distinctement, tout en mimant avec les mains.
Déjà, j’angoisse… je sais que n’y n’échapperai, même si je m’éclipse un moment. Ils reviendront sur cette question à mon retour « et toi, tu fais quoi dans la vie ….hein .. »
Alors comment dire à ces plus ou moins inconnus que tu es Autiste, que l’un de tes enfants est autiste ?
Comment dire que tu n’a pas suivi de longues études car tu étais épuisée ?
Comment dire que tu voulais, dès tes 19 ans, partir de chez tes parents pour vivre enfin seule et que tu as eu faim durant les premières années ?
Comment dire que tu as multiplié les jobs, les licenciements parce que tu étais certainement la plus tarte ou la plus gourde ?
Comment dire, qu’il y a eu des lignes blanches dans ta vie parce que tu étais en dépression ?
Comment dire que depuis de nombreuses années tu es sans emploi ?
Pourquoi dois je toujours répondre à cette fichue question, intrusive et humiliante ? Quand, j’aurai détaillé mon passé, viendra t-il la question du présent ?
. Je vais renvoyer, une fois de plus, l’image négative de la fille super nulle sans emploi, d’ailleurs je véhicule cette image depuis des années !
« Pourquoi ne travailles tu pas ? » encore …. Une deuxième question gênante et humiliante ….
Parce que je suis incapable de m’occuper des mes enfants, de mon fils et occuper un emploi en parallèle.
Parce que travailler à l’extérieur de chez moi est synonyme d’un stress immense, de fatigabilité et de dépression.
Parce que je ne trouve pas d’emploi adapté à mes capacités, à mes possibilités.
Parce qu’aucun travail ne m’est accessible.
Parce que je pourrai travailler quelques heures chez moi, mais je n’en trouve pas.
Après mon exposé viendra forcement les conseils d’un ton paternaliste que je n’ai ni l’envie ni vraiment le courage de subir.
Que savent-ils de ma vie ? Que connaissent-ils de l’autisme ? Le vivent ils au quotidien ? Ont-ils mes chaussures ?
Tous les regards seront posés sur moi, je déteste cela. Comment esquiver autant d’œil qui me scrutent ?
Je vais être, comme à chaque fois, très mal à l’aise, gênée, blessée.
« Tu fais quoi dans la vie ? »
Est-ce qu’une vie, une personne se résume à ses diplômes et son emploi ?
C’est quoi une vie réussie, qui peut le définir ?
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